Article paru sur le Marseille Bondy Blog - 3 mars 2011
Rencontre avec Vincent Beaume et Claire Ruffin, qui exposent, dès ce soir, un travail en commun sur l'insomnie. Rendez-vous à la Baleine qui dit vagues, sur le Cours Julien.
Intérieur nuit, extérieur jour. Claire est insomniaque, depuis bien longtemps. « J'avais le désir de transformer ça en quelque chose de créatif, non pas quelque chose qui entrave, mais qui puisse être source d'invention ». Comédienne, elle s'est penchée sur la question avec Vincent, photographe de profession.
Le spectacle vivant et l'image fixe, c'est un peu le mariage de la carpe et du lapin, non ? Et bien, le résultat est étonnant : une série de photographies réalisées en milieu -très- naturel ou -très- citadin, à la chambre noire. A mille lieues des prises de vue numériques, un appareil ancien à trimballer, en plus du lit en fonte, et c'est parti pour le Frioul, la vallée de Névache ou une zone de reconstruction urbaine à Vitrolles.
« C'est vrai qu'on s'est un peu amusés avec ça au début, pas pour la performance, mais au niveau de la sensation. Le vertige au bord d'une mer déchaînée, la roche, le soleil, le vent, les tempêtes de neige... A chaque fois l'environnement pour placer cette dormeuse et son lit s'accommodait bien. » L'Insomnante, c'est cette jeune femme tellement privée de sommeil nocturne qu'elle est prête à dormir n'importe où en plein jour.
Claire et Vincent invitent le paysage dans leurs images, travaillent la matière végétale, minérale ou industrielle de manière à le rendre presque abstrait, comme si le rêve de la dormeuse, son cauchemar ou ses sensations intérieures envahissaient le lit. Une couverture de neige, une couette de bogues de châtaignes. « Là, je me tais et je me couche, et Vincent peut commencer à photographier. Si des gens passent, il y a comme une contagion de ce silence. »
Mourir, dormir, rêver, peut-être ?
Pour Vincent, c'est important de poser un cadre, comme un chevalet. « Puis on attend qu'un nuage passe. » La lenteur de la manipulation, des temps de pose, ça ne pose pas de problème puisque le sujet dort !
« Nous avons d'autres projets : faire des photos sous l'eau, par exemple. C'est quand même une matière très proche des rêves. Et nous avons commencé à travailler un peu en vidéo. C'était tellement beau de voir cette dormeuse immobile, et sous le lit la rivière défilait... l'immobilité donnait encore plus de mouvement au reste. »
L'Insomnante est donc un projet qui prend « formes », à suivre dans ses multiples avatars : un spectacle qui se jouera au Vélo Théâtre d'Apt au printemps, et cette magnifique exposition jusqu'au 8 avril à la Baleine qui dit vagues. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à aller à la rencontre des artistes au vernissage, ce soir à 18h30.