Article paru dans Zibeline n° 36
10 bonnes raisons de balancer sa télé par la fenêtre.
Conférence du 9 novembre 2010 à l'Hôtel Départemental des Bouches du Rhône (cycle « Echange et diffusion des savoirs »)
Un jeune loup aux dents longues : Alexandre Lacroix, philosophe, directeur de collection aux éditions de l'Herne et rédacteur en chef de Philosophie Magazine, semble sorti de la Défense. Humour, facilités d'expression, coups de patte désinvoltes et sourire carnassier. Il fait partie des 2 % de français qui n'ont pas la télévision, et milite pour convaincre les autres. Dans l'hémicycle, son auditoire est conquis. Mon voisin assiste aux conférences du Conseil Général depuis plusieurs années : "les intervenants sont des pointures, j'en rate rarement une".
Le philosophe reprend dix lieux communs qui lui sont régulièrement opposés en faveur de la télévision et les démonte un à un. "Oh, moi j'ai la télé, mais je ne la regarde jamais" vient en tête. Selon lui, une forme de déni, lequel évoque irrésistiblement les problématiques d'addictologie. Il pointe les tactiques d'assignation à demeure et d'abrutissement du citoyen, la logique de l'audimat et celle du marketing ("le vrai programme télévisuel, c'est la publicité !"), rappelle l'inénarrable Patrick Le Lay et son "temps de cerveau disponible", sonde le caractère délibérément anxiogène du 20 heures, la prescription cyclique de consommation sous couvert de journalisme (Noël, fête des mères, soldes...), et martèle : quel qu’il soit, le contenu télévisuel ne sert qu'à détourner l'attention des enjeux réels. "Les multinationales, par exemple. Les partis politiques ont encore un peu de pouvoir, mais beaucoup s'est transféré vers elles, et jamais la télévision ne les questionne".
Apparemment, on lui a souvent reproché sa position, jusqu'à lui asséner que "c'est snob de ne pas avoir la TV ; vous êtes un intellectuel élitiste". D'après M. Lacroix, tout mettre sur le compte des intérêts de classe de l'adversaire est un vieux truc stalinien. Lui pense plutôt que la télévision "ne peut traiter que du visible, pas de ce qui est réellement important dans la vie, l'expérience amoureuse ou l'émotion artistique".
Il conclut par un avertissement qui fait frémir : "Aujourd'hui, je vous ai parlé des dangers de la télévision, mais dans dix ans elle n'existera plus, noyée dans Internet. Et il y a un remède facile, on peut choisir de l'éteindre. Non, là où ça va être plus compliqué, là où il faudra vraiment mettre en place des stratégies de résistance pour lutter contre notre propre dépendance, c'est face à la convergence des écrans." Eh oui, d'ici peu, nous serons connectés en permanence, à domicile, en déplacement, à l'école et sur nos lieux de travail. Le danger sera dans notre poche. Il l'est déjà.
On peut écouter en ligne les conférences du cycle Echange et diffusion des savoirs sur le site du Conseil Général, à l'adresse :