Article paru dans le n°112 de Zibeline : http://www.journalzibeline.fr/societe/le-compteur-vert-de-rage/
« Linky : un gaspillage de 8 milliards ? » C’est le titre d’une tribune publiée par un Inspecteur général des finances honoraire, Patrice Cahart, dans l’édition du quotidien Le Monde du 6 octobre 2017, concernant le remplacement des compteurs électriques par un modèle « intelligent » dans 35 millions de foyers français.
Cette décision, prise par le gouvernement dans le cadre de la Loi de transition énergétique votée en 2015, pose plusieurs problèmes. Outre le côté ubuesque d’un dispositif chiffré en milliards et qui n’aura quasiment aucun impact sur la consommation d’électricité des français*, les conséquences sur la santé d’un tel appareil suscitent des inquiétudes, et pas seulement auprès des personnes électrosensibles. Rien ne prouve l’innocuité des ondes électromagnétiques, classées par l’OMS dans la catégorie « cancérigènes possibles ». Pas besoin d’être un expert pour comprendre l’autre écueil majeur de Linky : son côté « communiquant ». Les données -monnayables- qui transitent sur le réseau en disent beaucoup sur notre vie privée, jusqu’à révéler combien de personnes vivent chez vous, à quelle heure vous vous levez, les heures ou périodes d’absence… À peine l’appareil est-il en place que l’on se voit proposer par téléphone des « services liés ».
1,5 millions de compteurs ont déjà été remplacés, et bien des dysfonctionnements sont signalés. Linky prend parfois feu spontanément ; selon une enquête de l’UFC-Que Choisir, 26% des répondants ont constaté, suite à sa pose, des appareils électriques hors service, des problèmes de chauffe-eau ou des installations qui disjonctent. Pose qui se fait parfois de manière musclée, comme en témoigne la rubrique « faits divers » des médias : ainsi en Bretagne au printemps dernier, une grand-mère a été bousculée par un sous-traitant d’Enedis qui voulait installer Linky malgré son désaccord. Résultat : un bris de lunettes et 5 jours d’ITT. Sur Facebook, des groupes recensent d’innombrables témoignages de harcèlement (30 ou 40 appels par jour), intimidations, menaces et violations de domicile, malgré le recours à des cadenas ou à des courriers d’huissier pour protéger les anciens compteurs.
Oppositions
En conséquence, une opposition spontanée se manifeste un peu partout en France, prenant diverses formes. Il y a la méthode légale, assortie d’une procédure collective (lire ici notre entretien avec Me Arnaud Durand). Les pétitions circulent. Associations et collectifs organisent des réunions d’information, des manifestations. L’obstruction se pratique de plus en plus. À Saint Michel de Vax, Sébastien Delpech du groupe Faut pas pucer (mémé dans les ordis) a publié une Lettre ouverte aux salariés d’Enedis, sollicitant leur conscience sociale, politique et écologique. Il y souligne que « Les opposants à Linky refusent, entre autres, l’automatisation des relevés de consommation d’électricité ; donc, ils défendent en quelque sorte vos emplois à votre place. Et vous, vous travaillez activement à leur suppression ! ». Parfois, les opposants passent à l’offensive. En mai, 11 véhicules d’Enedis partaient en fumée à Grenoble ; en juin, les locaux de la société s’enflammaient à Crest dans la Drôme ; le 24 octobre, c’est à Limoges qu’un incendie a détruit une vingtaine de véhicules… La fronde n’est pas réservée aux militants d’extrême gauche, loin de là. De nombreux élus municipaux de tous bords ont validé des délibérations anti-Linky sur leur commune. 360 à ce jour, si l’on en croit la carte interactive publiée sur le site poal.fr, dont Aix-en-Provence, Jouques et Velaux par exemple, pour ne mentionner que le territoire des Bouches-du-Rhône.
À mesure que l’information circule, le mouvement s’accélère.
GAËLLE CLOAREC
Novembre 2017
*L’objectif déclaré est de permettre aux particuliers de maîtriser leur consommation d’électricité ; selon Patrice Cahart « seulement 0,2% des usagers raccordés ont demandé à connaître leur consommation en temps réel ».