On retrouve toujours Marianne Chaillan avec plaisir, lorsqu’elle participe à la Semaine de la Pop Philosophie, parce que ses dadas, avouons-le, on a un peu les mêmes. Que cette enseignante marseillaise se penche sur les séries américaines à succès, la musique populaire ou comme cette année, les blockbusters, elle le fait avec passion, une bonne humeur communicative, et un sens de la pédagogie par l’exemple très efficace. Ce qui lui permet d’attirer les foules avec un sujet a priori ludique, facile d’accès, quasi universellement connu, et boum ! D’en profiter pour aborder les concepts les plus austères de la philosophie, l’acceptation de la mort, la morale…
En 2015, répondant pour la 4e fois à l’invitation de Jacques Serrano, elle a sélectionné de nombreux extraits de films, et son exposé a pris la forme d’une cérémonie des Oscars, décernés à la meilleure illustration d’un concept philosophique, au meilleur personnage, objet ou décor philosophique, etc. Car l’ataraxie, considérée comme le nec plus ultra de la sagesse antique, eh bien selon Marianne Chaillan, le blockbuster nous l’offre ! Deux heures durant, le spectateur connaît l’absence de trouble… Certes, au sens pascalien, ce divertissement n’est pas recommandable, mais l’intérêt de sa méthode est justement de multiplier les points de vue, de croiser les courants de pensée et les époques, pour démontrer que certains vieux concepts resurgissent aux endroits les plus improbables de la modernité.
Le Miroir du Rised, dans l’un des épisodes de Harry Potter, lui permet d’aborder la conviction stoïcienne que l’humanité se portera mieux si elle sait détourner son désir des «mauvais» objets, ceux sur lesquels on n’a pas de prise. Avec Le Seigneur des Anneaux, elle évoque Platon, Hérodote, le berger Gygès qui pouvait commettre le mal en toute impunité grâce à un anneau le rendant invisible… Le Titanic la lance sur Lévinas, saisi par la vulnérabilité du visage d’autrui, Matrix sur le mythe de la caverne, Hunger Games l’entraîne chez Hobbes : l’homme est-il un loup pour l’homme, ou saurait-il agir moralement par nature ?
On regrettera simplement que le rythme trépidant de la présentation ne permette pas vraiment à l’oratrice de s’attarder sur les subtilités… Mais c’est peut-être voulu, manière d’appâter le chaland pour lui donner le goût d’aller lui-même explorer la suite, un peu à la façon de Dumbledore, l’anti-sophiste, qui n’assouvit jamais pleinement la soif de savoir de son jeune pupille, lui laissant faire ses propres expériences. Apprendre, c’est éveiller la puissance de quelqu’un… Alors, à quel philosophe doit-on cette réflexion ?
Une chose est sûre, lorsque Marianne Chaillan demande à son public de voter pour l’une ou l’autre saga avant de lui remettre un Philosophy Award… la grande majorité voudrait faire gagner Star Wars. Probablement parce qu’Epictète s’est réincarné en Yoda.
GAËLLE CLOAREC
Octobre 2015
La conférence de Marianne Chaillan a eu lieu le 28 octobre au cinéma Les Variétés, dans le cadre de la 7e Semaine de la Pop Philosophie à Marseille. La programmation se poursuit jusqu’au 31, dans divers lieux : http://www.semainedelapopphilosophie.fr/marseille-2015/