Article paru dans Zibeline n° 38
Deux dates seulement, plus une pour les scolaires ; la grande salle de La Cartonnerie fait le plein pour ce spectacle de Patrice Douchet, sur un texte de Karin Serres. Le public de jeunes marseillais s'interroge à haute voix entre les scènes : cette histoire d'ours que l'on ne voit pas, ces sons venus du froid, ces clairs-obscurs, ce grand chasseur botté et agressif, c'est du lard, ou du cochon ?
Les deux, monsieur. Ici l'on parle d'ambivalence, justement. L'héroïne a onze ans, l'âge où sortir de sa carapace vous fait hésiter. C'est alors rassurant d'avoir « dans le dos comme la cuirasse de douceur d'un énorme manteau, rayonnant de chaleur comme un capot de tracteur ». Un ours. Transparent. Fidèle, jusqu'au jour où l'on n'en a plus besoin, où l'on ne trouve plus si dégoûtante la perspective de faire comme sa soeur aînée, d'aller rouler des pelles aux garçons contre les murs du lycée.
La petite demoiselle est jouée par une jeune femme, d'où peut-être cet effet renforcé d'entre-deux âges. La grande soeur et le père encadrent Louise au propre et au figuré, mais bizarrement on sent surtout dans cette riche mise en scène la force d'une grande absence. Les ours sont là ou ne sont point là, certes... mais où est la mère ?
Qui traite les poux de ses enfants, qui montre le chemin de la féminité à ses filles en âge de songer à l'amour ? Louise en tous cas le cherche, et ce qu'elle trouve ressemble étrangement aux ivresses adolescentes. « Il me regarde de ses yeux brûlants. Je lui souris, la tête renversée vers lui, si grand. Si éblouissant. » Bientôt, ce seront les yeux noirs d'un vrai jeune homme qui la raviront.
Du 9 au 11 février 2011 au Théâtre Massalia