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Tempérer ? Jamais !

Zibeline s’est rendue deux jours à Paris à l’occasion de la Cop21, la conférence des Nations unies sur le changement climatique

«Tempérer ? Jamais !», ce pourrait être le slogan des multinationales crispées sur les dernières réserves d’énergies fossiles, ou bien au contraire celui des activistes déterminés à ne rien céder dans leur lutte contre le système qui génère le réchauffement climatique. Le problème, c’est que le grand rassemblement parisien dit Cop21 a donné la parole de manière bien déséquilibrée à ces pôles opposés. Au Bourget où se tenaient les négociations officielles, les sponsors comptent parmi les plus gros pollueurs de la planète, tandis que la société civile se retrouvait interdite de manifestation en raison de l’état d’urgence, certains de ses membres étant traités comme des terroristes en puissance.

Zibeline a pu se rendre sur place pour assister le 2 décembre à la présentation du Leap Manifesto par Naomi Klein et une dizaine d’intervenants, salle Olympe de Gouge, à proximité du Père Lachaise, et le lendemain au Forum Océan et Climat dans les espaces Générations du site officiel.

Naomi Klein

L’activiste canadienne, convaincue que les politiques sont trop occupés à regarder le résultat des scrutins pour se poser les bonnes questions, estime celle du climat «essentielle, mais ce n’est pas la seule». Dans son esprit, tout est lié : les crises s’ajoutant les unes aux autres, il faut les traiter ensemble, tant les émissions de gaz à effet de serre que la justice sociale (lire à ce propos notre critique de son dernier ouvrage : http://www.journalzibeline.fr/societe/la-guerre-du-climat-une-lutte-des-classes/)

Avec notamment des membres des 62 peuples autochtones du Canada, qui souffrent des conséquences de l’extraction de sables bitumineux sur leurs terres, elle a lancé au printemps 2015 The Leap Manifesto (grand bond en avant). En 15 points, ce manifeste réclame l’arrêt des exploitations polluantes, le soutien aux énergies propres visant à l’autonomie des populations, le développement d’une agriculture écologique et de proximité, une protection complète pour tous les travailleurs, y compris les immigrants, que les grandes sociétés cessent de financer les campagnes politiques, etc. Ses signataires souhaitent parler aussi du sort des femmes et des enfants, de l’impact des guerres, du legs du colonialisme, et «créer un mouvement suffisamment fort pour mettre à terre les puissants».

Traduit en de multiples langues pour que tout le monde puisse le lire (arabe, roumain, cree…), le texte se base sur de récents travaux démontrant que d’ici 2050 toute l’électricité pourrait provenir de sources renouvelables, à l’échelle du monde. «La démocratie participative est au cœur de ce que nous défendons, car elle permet aux populations de garder un contrôle de manière décentralisée. Nous sommes fiers d’avoir trouvé des compromis, capables par exemple de rapprocher la vision des anarchistes, très opposés à l’État, et celle des syndicats.»

Le Leap Manifesto est déclinable à l’envi, selon contextes et zones géographiques, et cherche à atteindre une masse critique qui propose des solutions nouvelles aux défis mondiaux, pèse sur les dirigeants en s’opposant frontalement au marché. Si ces positions prennent de l’ampleur au sein de la société civile, il est en revanche difficile d’imaginer que les gouvernants abandonneront un jour leur double discours : belles déclarations, mais «priorités macroéconomiques» intouchables. Selon Naomi Klein, face à l’urgence climatique, «nous ne pouvons pas nous permettre de lâcher d’un pouce, nous avons besoin d’un plan d’action, de parler de l’après-Paris dans une perspective joyeuse de changement».

Forum Océan et Climat

Au Bourget, bien des structures prévoyant une financiarisation de la nature, et autres dispositifs visant à habiller de vert la poursuite de la pollution, bénéficiaient d’une visibilité internationale. Le 3 décembre, on pouvait au moins se réfugier salle Nelson Mandela, où se tenait le Forum Océan et Climat, espérant voir enfin le rôle crucial des espaces maritimes pris en compte, eux qui étaient les grands oubliés des précédentes éditions de la conférence. En présence d’éminent-e-s scientifiques, la ministre de l’Écologie Ségolène Royal déclarait avoir obtenu la veille que le prochain rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) intègre l’océan, une demande soutenue par la Chine, Monaco et l’Espagne.

Nadine Le Bris (Université Pierre et Marie Curie) confirmait : la mer est la clé d’un avenir qui soit tolérable pour les communautés humaines. Laurent Bopp (CNRS) rappelait qu’elle absorbe 90% de l’excès de chaleur, et que dans les prochaines décennies, si l’on maintient la température sous le seuil des 2°C, elle continuera à absorber 50% du carbone émis… Beaucoup moins si l’on dépasse ce scénario. Pour réagir, il faut comprendre les changements trop rapides qui frappent l’écosystème marin, poubelle de la Terre : les chercheurs clament qu’ils ne sont pas assez nombreux sur le terrain, qu’il faut plus de sciences sociales pour étudier le rapport de l’homme à la nature, qu’il existe déjà des solutions praticables, ignorées du public et par les décideurs… Pour Eric Karsenti (expédition Tara), «Si on travaille de manière collective, ça marche remarquablement. Il faut changer tous les aspects de la vie moderne, pas seulement les émissions de gaz à effet de serre».

L’assistance était presque tentée de croire que les instances présentes au Bourget seraient convaincues d’agir concrètement, intelligemment, jusqu’à ce que le réalisateur Jean-Paul Jaud diffuse la vidéo d’une jeune fille de 12 ans, au sommet de Rio en 1992. Severn Cullis-Suzuki avait alors pris la parole au nom de tous les enfants qui souhaitent un avenir viable sur une planète saine. L’assemblée l’avait longuement applaudie, les médias avaient relayé son magnifique discours. 23 ans plus tard, elle souhaitait transmettre un message à ceux qui planchaient sur la 21e conférence des Nations unies : sur les côtes de l’archipel Haida, en Colombie-Britannique où elle habite, des poissons radioactifs, cancéreux, arrivent de Fukushima. Face à ce type de cauchemar qui se répand dans tout le Pacifique, que faire ?
Surtout ne pas baisser les bras. Il est trop tard pour désespérer.

Agir : désobéir

Pour lutter contre l’inertie des décideurs, le lobbying éhonté des climatosceptiques, le poids des multinationales, les slogans ont montré leurs limites. De plus en plus de citoyens font converger leurs luttes, l’urgence les rapproche : faucheurs de chaises, ONG, bergers des mers, paysannes africaines ou de Notre-Dame-des-Landes, pêcheurs insulaires, Indiens du Canada, chercheurs en écologie ont leurs points d’achoppement, mais comme le soulignait l’une des participantes de cette Cop21 «Les conflits, ce n’est pas grave ! On peut marcher ensemble tout en se détestant, ça prouve juste qu’on est nombreux».

Le fait que les manifestations soient interdites, en France ou ailleurs, que la répression violente contre le journalisme environnemental s’aggrave dans le monde -comme le révèle un rapport publié le 5 décembre par Reporters Sans Frontières– est un bon indicateur : la désobéissance civile prend de l’ampleur, les mouvements se structurent, l’information circule, et cela commence à ébranler le modèle fossile.

Le gros enjeu de cette conférence était bien évidemment de conclure un accord contraignant pour les États. C’est fait, mais les objectifs déterminés sont très décevants ; en aucun cas on ne peut se permettre de relâcher la pression qui doit peser sur la mise en application concrète et le renforcement des résolutions. Parce que les intérêts en jeu sont énormes : si d’un côté de plus en plus de gens espèrent mieux vivre ensemble, de l’autre beaucoup -dont maints tentaient de montrer patte verte à la Cop21- souhaitent maintenir un statu quo : ils perdront des milliards si les ressources sont laissées dans le sol, ils essaieront de maintenir leur puissance par tous les moyens. D’ici la Cop22, qui aura lieu à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016, et toutes les années suivantes, il va falloir peser plus lourd qu’eux.

GAËLLE CLOAREC
Décembre 2015

Quelques liens :
Le grand bond vers l’avant : leapmanifesto.org
Plateforme Océan et Climat : www.ocean-climate.org
Rapport RSF journalisme environnemental : https://fr.rsf.org/IMG/pdf/rapport_environnement_fr.pdf
Discours Severn Suzuki Sommet de la terre Rio : https://www.youtube.com/watch?v=1Vf-zo35uu8

Photos : Participants à la chaîne humaine organisée le 29 novembre à Marseille, les manifestations ayant été interdites -c- G.C.

Gaëlle Cloarec
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    Gaëlle Cloarec, journaliste pigiste sur Marseille