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Articles parus dans la presse écrite :

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La santé en mains sales

L’industrie pétrochimique aura-t-elle notre peau, avec l’aval des instances censées protéger la santé publique en Europe ?

Il y a des précédents : les marchands de tabac ont empêché les pouvoirs publics de réglementer en leur défaveur pendant des décennies, bien après que les médecins ont révélé le danger lié à la fumée de cigarette. Aujourd’hui, ce sont les producteurs de pesticides, d’OGM, de nanoparticules qui recourent aux méthodes de ces précurseurs pour faire valoir leurs intérêts commerciaux, alors que l’exposition à ces produits fait exploser les pathologies lourdes, notamment les cancers.

Dans son ouvrage PCB, des polluants invisibles et redoutables. Une menace pour l’humanité, paru en 2015, Henry Augier dresse un tableau glaçant de l’une des pires pollutions à laquelle nous sommes confrontés. Les polychlorobiphényles ont été interdits après une interminable bataille, dans les années 80 en France puis dans l’Union Européenne, mais ce sont des substances particulièrement rémanentes : produits de manière industrielle à partir de 1929, ils se sont répandus absolument partout. On les trouvait dans les lampes, les appareillages électriques, le papier, les sols, les isolants, la peinture, les radiateurs… Ils contaminent les plantes, les animaux, les humains qui les absorbent. Volatils, ils se dispersent dans l’atmosphère et ont une forte affinité avec les matières organiques : ils se concentrent dans les parties graisseuses, foie, peau, muscles. Outre leur effets endocriniens (anomalies de la thyroïde, altération du sperme…), ils affectent le développement neurologique, vasculaire et immunitaire. On en relève même sur la banquise, véhiculés par les courants aériens et marins. Or, alors que « très tôt des constats épidémiologiques et des études scientifiques avaient démontré leur redoutable dangerosité », rien n’a été fait pendant… 70 ans. Par la suite, les Préfectures ont publié des arrêtés, pour interdire la consommation de poissons du Rhône aux riverains, par exemple. La dépollution est très peu concluante pour l’instant, et conduit plutôt les pouvoirs publics à tenter les procédures de confinement.

Pourquoi cette inaction ?

Pour comprendre, on lira avec grand intérêt l’ouvrage de Stéphane Horel paru également en 2015, Intoxication. L’étude menée par cette journaliste dans les coulisses des instances européennes, qui se dévore comme un thriller, détaille l’influence inouïe exercée par les lobbies de l’industrie sur les décisions politiques. Centré sur la question des perturbateurs endocriniens (dont font partie les PCB), son livre dévoile les stratégies du secteur de la chimie, des pesticides et du plastique pour que l’on continue à consommer leurs produits empoisonnés. Rappelons que ces substances perturbent le système hormonal subtil régissant nos organismes. « Personne ne tombe foudroyé d’une exposition aux PE », mais ce sont des bombes à retardement, qui explosent 20 ou 30 ans plus tard : infertilité, cancers du sein, obésité, etc. Pour défendre l’indéfendable, une foule de lobbyistes martèle des messages pseudo-scientifiques dans l’écosystème bruxellois, place des experts issus de grandes firmes auprès de la Commission, et tente de peser directement sur le texte des lois. Plus le sujet est technique, plus il leur est facile de semer le doute auprès de responsables peu avertis -quand ils ne sont pas complaisants. Le dossier des perturbateurs endocriniens est ainsi resté bloqué 4 ans, faute d’en avoir adopté une définition précise ! Malgré les études fort sérieuses publiées par moult endocrinologues et toxicologues, malgré le principe de précaution qui devrait prévaloir, les lobbies parviennent à établir qu’il existe une controverse… soulevée par des chercheurs rémunérés par l’industrie. Au royaume du conflit d’intérêt, les plus riches finissent par l’emporter, car « ces mercenaires du déni jouent un rôle déterminant dans l’apathie des pouvoirs publics ». D’autant que les grands traités transatlantiques se profilent, et que les contraintes réglementaires européennes sont une épine dans le pied des  multinationales américaines.

Voilà pourquoi la santé publique, qui représente pourtant un coût énorme pour la société, ne prévaut pas. Notons que les mêmes procédés sont utilisés ces jours-ci pour sortir de « nouveaux » OGM du statut juridique qui les encadre. On ne saurait trop vous suggérer de vous informer par tous les moyens sur ce qui se trame à Bruxelles : les conséquences de ce qui s’y décide, vous aurez à vivre -ou mourir- avec.

GAËLLE CLOAREC
Avril 2016

À lire

PCB, des polluants invisibles et redoutables
Une menace pour l’humanité
Henry Augier
Éditions Libre & Solidaire, 23 €

Intoxication
Perturbateurs endocriniens, lobbyistes et eurocrates : une bataille d’influence contre la santé
Stéphane Horel
La Découverte, 19 €

Gaëlle Cloarec
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