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Evaluer les valeurs

« Littoral : faut-il protéger à tout prix ? » C’est le titre -légèrement provocateur- de la prochaine conférence publique organisée par l’EHESS à Marseille. Traitant de sujets d’actualités, le cycle de rencontres À l’écoute des sciences sociales croise les approches de différentes disciplines. Le 27 avril, c’est ainsi une économiste, Dominique Ami, et un géographe, Samuel Robert, qui interviendront à la Bibliothèque Départementale des Bouches-du-Rhône.

Entretien avec Dominique Ami, enseignante-chercheuse au sein du Greqam – Aix-Marseille Université.

Zibeline : Quel est l’objet de cette conférence ?

Dominique Ami : L’idée est d’être un peu critique vis à vis des politiques actuelles de préservation du littoral, de montrer qu’il y a peut-être des arbitrages plus complexes à faire. C’est intéressant de travailler sur la grande baie de Marseille, de La Ciotat à la Côte Bleue : il y a des endroits très urbanisés, d’autres très protégés et à la fois très touristiques, comme le Parc National des Calanques, ce qui crée des tensions entre impératifs de protection et objectifs de développement. La protection a des bénéfices, mais aussi des coûts, parfois sur le long terme. Si demain on interdit la pêche, ce ne sera pas sans coût social.

Ce qui est fait jusque là vous semble trop contraignant ?

Le cas du Parc est bien sûr un peu particulier, surtout en ce moment. Mais l’intérêt du regard des sciences sociales, c’est de se demander pour qui et pourquoi on protège. Comment on intègre les usagers ? Longtemps la question de la protection a été réservée à des spécialistes ; nous, contrairement aux sciences « inhumaines », on s’intéresse aux humains, les pêcheurs, baigneurs, riverains, en menant des enquêtes auprès de la population, le plus grand panel possible…

Inhumaines ?

Oui… les sciences de la terre et de la vie. En tant qu’économistes, nous travaillons sur le bien être global, au niveau le plus général possible. Certains vont gagner à ce qu’une situation change, d’autres vont perdre, et il faudra alors compenser. Réglementer de façon à ce que l’on reste sur des chemins balisés plutôt que de s’éparpiller dans la nature, les riverains peuvent considérer qu’il s’agit d’une contrainte. Pour un économiste, cela fait baisser le bien-être. Nous avons des outils qui permettent d’effectuer un arbitrage : la monnaie est un étalon de mesure pour traduire dans la même unité des choses qui ne sont pas similaires. Le plaisir de se baigner, par exemple, une fois valorisé, on peut le comparer avec d’autres valeurs économiques plus directes, comme l’immobilier.

Le risque n’est-il pas, en donnant une valeur marchande à ce genre de choses, que le marché s’en empare ?

Eh bien oui. Notre objectif n’est pas de créer des marchés, on ne le fait pas pour ça, mais c’est vrai qu’il suffit d’un pas… Beaucoup s’y opposent, et pensent qu’on marchandise ainsi la nature. Je défends la position qu’on ne peut pas tout monétariser, et personnellement je trouve que c’est dangereux d’essayer. Il y a des valeurs qui ne sont pas économiques, comme l’imaginaire culturel, l’économie n’a rien à dire dessus, il faut savoir le reconnaître. Le marché par définition ne permet d’échanger que des valeurs marchandes, d’où la grande question des biens communs, qui peut difficilement être gérée ainsi.

Comment aborder ces aspects ?

D’autres sciences sociales travaillent sur la prise en compte de ces valeurs différentes, même si c’est souvent assez difficile de les comparer. Dans la pratique, on sollicite régulièrement les économistes pour que l’on montre que les choses ont une valeur monétaire, économique. On nous somme de prouver que c’est vrai. Or moi je n’ai pas le résultat des études avant de les avoir réalisées !

Si votre objectif n’est pas celui-là, quel est-il ?

Je pense qu’il ne faut pas prendre les valeurs économiques comme l’alpha et l’oméga des décisions publiques. Il existe par exemple en Méditerranée des Prud’homies de pêche, depuis le XVe siècle, qui préservent les ressources de poisson. C’est un savoir qui peut être mobilisé pour améliorer la gestion. Notre intention est de réfléchir à la façon de mieux intégrer la vie des gens, avec toutes les difficultés que cela implique, pour que les décisions soient prises dans la concertation. Mais je ne suis pas sûre que l’on ait beaucoup de solutions miracles à apporter ! D’où l’intérêt du débat.

Propos recueillis par GAËLLE CLOAREC
Mars 2016

Gaëlle Cloarec
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    Gaëlle Cloarec, journaliste pigiste sur Marseille