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Quel avenir pour les forêts du sud ?

Quel avenir pour les forêts du sud ?

La forêt méditerranéenne menacée par le changement climatique et l'industrialisation de la filière bois - Zibeline

Menacée par le changement climatique et l’industrialisation de la filière bois, la forêt méditerranéenne risque de partir en fumée.

Les sécheresses à répétition ont de graves conséquences sur les écosystèmes forestiers. « La région méditerranéenne est particulièrement touchée par le changement climatique, et d’autant plus vulnérable aux incendies », observent les scientifiques de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). « C’est catastrophique pour certaines espèces comme le pin Sylvestre, essence majeure, qui disparaît des zones provençales, même dans le scénario le plus optimiste du Giec », expliquait Bruno Fady, directeur adjoint du laboratoire d’Écologie des Forêts Méditerranéennes à Avignon, en introduisant les Rencontres Régionales Forêt-Bois 2021, le 1er décembre dernier. Même les pins d’Alep, qui s’en tirent plutôt bien, ne résisteront pas à une trop forte augmentation des températures, avec son cortège de pathogènes fragilisant les arbres, insectes, champignons, maladies.

Dans l’hémicycle de la Région Sud-Paca, ses propos sonnaient comme un avertissement : « On ne peut pas sérieusement envisager une économie verte forestière si l’évolution du climat suit les courbes actuelles ; il faut réduire nos émissions de gaz à effet de serre ». Sous le seul angle économique, sa réflexion avait de quoi faire trembler les professionnels de la filière bois réunis ce jour-là. Que nenni. À la fin de la session, Olivier Gaujard, président de la structure invitante, Fibois Sud, estimait que « l’avenir est radieux ». Qu’est-ce qui peut bien le convaincre que tout va se passer pour le mieux, en dépit du désastre écologique planétaire annoncé ? Le maître mot de la journée : innovation.

L’or noir de la chimie verte

Il n’était que de voir le programme des Rencontres pour constater que la forêt, aussi fragilisée soit-elle, n’en est pas moins perçue comme un puits lucratif prometteur : à l’heure où les pouvoirs publics promeuvent leur « transition énergétique », le bois tient une large part parmi les renouvelables.  Ses « services écosystémiques » (stockage de CO2, rafraîchissement, cycle de l’eau) sont reconnus. Camille Loudun, du Centre national de la propriété forestière, est allée jusqu’à encourager la préservation de certains bois morts ou à cavité, pour conserver le « capital sol ». De même, le « tourisme vert » peut être valorisé. Mais c’est surtout la capacité des arbres à produire des matériaux de construction, ameublement, adhésifs, résines, fibres multi-usages, papiers, composites, isolants, cellulose, biocarburants, biogaz, bioéthanols, etc. qui fait fantasmer les investisseurs. Pour Michaël Lecourt, chef de projet au centre technique industriel FCBA, « la lignine est l’or noir de la chimie verte ». Autre motif de réjouissance pour les technocrates : la compensation carbone, promue par le président de la Région Sud-Paca Renaud Muselier à travers le fonds Respir. Si « devenir parrain ou mécène de projets pour la forêt », c’est donner une « meilleure visibilité » à son entreprise et avoir le droit de continuer à émettre des gaz à effet de serre sans retenue, pourquoi s’en priver en effet ?

Reste à lever certains freins : Olivier Gaujard le reconnaît, en Sud-Paca, « bien récolter la forêt n’est pas simple, car 60% de la ressource est difficilement accessible ». Qu’à cela ne tienne, une start up telle que Flying Whales, « solution pionnière pour le transport de fret aérien », promet, grâce aux performances de ses dirigeables, un « accès illimité aux zones isolées ». Depuis le reboisement initié au XIXe siècle les arbres de nos combes et montagnes pouvaient croître à peu près tranquilles. Plus maintenant : ils ont tout à craindre des appareils déployés en repérage par Forest Drone Enterprise, dont on pouvait récupérer la carte de visite sur les stands des invités de Fibois, à côté des petits fours.

Aux arbres, citoyens

Or les arbres ne sont pas seuls. La fragilité, la biodiversité étique des immenses plantations de Douglas, rêve bien aligné et à croissance rapide de l’industrie forestière, commencent à se savoir. « Ce ne sont pas de vraies forêts », martèlent les botanistes tels que Francis Hallé. Quant à stocker du carbone, rien ne vaut les vieilles futaies laissées sauvages. Dans les manifestations pour le climat, on ne compte plus les pancartes « aux arbres, citoyens ». Le 1er décembre 2021, ils n’avaient pas été conviés, mais certains se sont présentés à l’Hôtel de Région pour poser quelques questions aux heureux exposants, qui ont détonné dans un concert d’auto-congratulation. À Cyril Dufau-Sansot, représentant la société Hy2Gen, productrice d’hydrogène vert et de biocarburants pour le transport aérien et maritime, qui prévoit d’utiliser 150 000 tonnes de plaquettes de bois par an, Jean-Luc Debard, membre de Convergence Écologique en Pays de Gardanne, demandait s’il y aurait une véritable enquête publique, plutôt qu’une concertation factice. Mais oui, a répondu l’intéressé. Hy2Gen saisissait l’occasion de ces Rencontres pour « structurer son plan d’approvisionnement », dans un rayon de 150 km autour de la commune, où elle espère s’implanter via un partenariat avec l’opérateur de la centrale à biomasse GazelEnergie. « Et si vous n’avez pas assez de bois, comment vous faites ? » « Pas de problème, on élargira le cercle ». Décidément, entre les projets de « scierie 4.0 » et cette fameuse centrale à biomasse, une aberration énergétique, les forêts provençales vont être sérieusement mises à contribution. Luc Le Mouel, membre de France Nature Environnement, l’a exprimé clairement : « Les riverains s’y opposent ».

GAËLLE CLOAREC
Janvier 2022

Photos : Massif de la Sainte-Victoire -c- Geneviève Barrillon et Rencontres régionales Forêt-Bois 2021 -c- G.C.

Gaëlle Cloarec
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